Ahmed Zoubaïr
5/1/2022 23:13
Abdellatif Miraoui, ministre de l'Enseignement supérieur.

Censé connecter l’université marocaine au monde professionnel en offrant aux étudiants une formation pratique qui mène à l'emploi,...

Censé connecter l’université marocaine au monde professionnel en offrant aux étudiants une formation pratique qui mène à l'emploi, le Bachelor a tous les attributs de l’excellence. Celle de l’expérimentation hasardeuse...

Coup de tonnerre dans le ciel universitaire national déjà sombre.  Initialement prévu pour la rentrée universitaire 2020 mais reprogrammé pour cause de pandémie pour septembre 2021, le Bachelor ne trouve pas grâce aux yeux des membres du Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS) ! Dans un avis, rendu public le 24 décembre 2021, ces derniers ont descendu ce diplôme en flammes. Manque de clarté, incertitude quant à son efficacité académique et absence de pertinence à le généraliser…, les griefs tombent dru sur le projet défendu et mis en place par l’ex-ministre de tutelle Saaïd Amzazi qui y voyait une bonne piste de réforme de l’université marocaine, basée jusque-là sur le système LMD (Licence, Master, doctorat). Un système en vigueur au Maroc depuis 2004 qui permet la mobilité des étudiants tout en facilitant l’équivalence des diplômes, mais qui pèche aux yeux des spécialités par son incapacité à mieux armer les étudiants pour un marché du travail de plus en plus exigeant.

Obtenu au bout d’un cycle d'études de quatre ans, le Bachelor à l’origine anglo-saxonne est présenté en effet par ses promoteurs comme le remède aux insuffisances chroniques de la formation universitaire classique réputée très peu connectée au monde professionnel.

« Le nouveau système pédagogique permettra de passer outre les limites de l’ancien, d’autant que la loi-cadre sur la réforme du système d’éducation, de formation et de recherche scientifique offre des opportunités pour l’adéquation du système pédagogique national avec les systèmes internationaux», expliquait, enthousiaste, le ministre de tutelle d’alors, Saaïd Amzazi. «Le Bachelor est destiné, entre autres, à limiter les déperditions universitaires et rehausser le taux de diplomation. Ce nouveau système devrait permettre également de lutter contre le chômage des jeunes via la maîtrise des langues étrangères et l’acquisition des soft skills », renchérit en juillet 2021 Abderrazak Bensaka, responsable de communication et d’orientation au département de l’enseignement supérieur du ministère de l’Éducation nationale.

Faisant la part belle à l’apprentissage des langues étrangères notamment l’anglais et l’acquisition des compétences douces  (soft skills) qui sont devenues des atouts décisifs dans le recrutement en entreprise, le Bachelor, à la sauce marocaine était, donc censé favoriser l’émergence des profils dotés, en plus de connaissances techniques ( hard skills), de ces aptitudes comportementales qui englobent à la fois  l’intelligence relationnelle et émotionnelle, les capacités de communication, le caractère, les qualités interpersonnelles…

Ce sont ces profils, autonomes et débrouillards, alliant savoir-faire technique et qualités intrinsèques, que s’arrachent les entreprises au Maroc et à l’étranger. Plébiscité par les employés, ouverts sur l’international, le Bachelor est en somme un excellent tremplin vers l’emploi. La réforme par excellence pour Saaïd Amzazi qui voulait ouvrir l’université marocaine au monde anglo-saxon réputé précurseur dans le domaine de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation. Malgré les critiques du syndicat de l'enseignement supérieur qui a dénoncé l’absence des conditions pédagogiques d’une implémentation réussie du Bachelor, M. Amzazi a jugé utile de foncer tête baissée et d’expérimenter le nouveau système dans 12 universités du Royaume en attendant sa généralisation en 2023 à l’ensemble des filières.

Ratage

Une énième expérimentation hasardeuse infligée à un système éducatif perclus de réformes peu réfléchies ? C’est la teneur de l’avis du CSEFRS présidé par Omar Azziman. Un avis rendu suite à la saisine du gouvernement sortant de El Othmani, datée le 13 septembre 2021, soit à la veille de la rentrée universitaire marquée par la mise en œuvre du chantier expérimental du Bachelor ! La saisine et l’avis du conseil ne sont-ils pas censés intervenir antérieurement et non après coup ?  Si ce n’est pas du grand n’importe quoi, cela y ressemble beaucoup. Tant d’imprévoyance et de légèreté ont de quoi étonner ! A quoi rime la sentence de ce Conseil sur un cycle de formation déjà adopté et qui a connu l’inscription de plusieurs milliers d’étudiants ? Sommes-nous face à un avis politique non dénué d'arrières pensées visant directement l'ex-ministre de tutelle ?

Est-ce à dire que les pauvres étudiants ont été transformés à leur corps défendant en nouveaux cobayes d’un test aux résultats incertains ?  Qui va payer les pots cassés d’un désaveu cinglant de Saïd Amzazi ? Ce dernier, l’ex-Premier ministre ou bien va-t-on considérer, comme c’est souvent le cas, que personne n’est responsable de ce ratage monumental ? Voilà qui est de nature à accentuer davantage la crise et les problèmes qui minent depuis plusieurs décennies l’université marocaine…

Que les responsables aient décidé de tourner le dos au système LMD jugé de moins en moins adapté aux demandes des entreprises, cela peut se concevoir. Mais qu’ils échouent à le remplacer par un dispositif performant, censé mettre l’enseignement supérieur sur la bonne voie, relève d’une brillante institutionnalisation de la culture de l’échec. Un exploit qui mérite un 10 sur 10 !

Mauvais élève assidu

Si le fait de figurer dans le fameux Shanghai Ranking Consultancy est un excellent indicateur de la performance d’une université, le Maroc continue à en être absent de ce classement. Dans le dernier en date, publié en août 2021, aucune université du Royaume ne figure au palmarès des 1.000 meilleures universités mondiales.  Est-ce un hasard ? Ce qui est certain c’est que certains pays africains ont droit de cité dans ce classement 2021. L’Égypte a réussi à imposer 6 universités, dont l’université du Caire. Idem pour l’Éthiopie dont l’université d’Addis-Abeba figure au top 800, le Nigeria (Université d’Ibadan, top 1 000). La Tunisie y est également grâce à l’université de Tunis Al Manar. A quand le ranking des mauvais élèves assidus ?

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